Liste de courses : sel, yaourt 0%, mousse au chocolat, pâtes de lentilles, endives, moutarde, pommes, beurre végétale, confiture d’abricot allégée, badoit, tomate cerise, courgette, aubergine, champignon, poivrons, pousse de soja, menthe fraiche, pousse de soja, kleenex, liquide vaisselle,
Un aller-retour. Rapide et efficace. Sois organisée et ne prends pas plus que tu ne peux dans ton frigo.
Respire. Ca va aller. Ca va à chaque fois.

Jeanne adorait les courses.

Choisir. Se faire plaisir. Dépenser. Tout était réuni pour que le moment soit bon. Une obligation en revanche : ne jamais y aller le ventre vide. Trés mauvaise idée pour les choix Healthy ou la concentration. C’était la partie des devoirs de la maisonnette qui n’en était pas un. Enfin jusqu’à présent.

Le Covid 19

– elle détestait le nom Coronavirus – avait tout changé. L’angoisse de se retrouver bloquée dans une trop longue file d’attente, la réalité de ne plus pouvoir commander en ligne parce que plus de créneaux de livraison disponible, la peur de manquer et c’était sans compter le fait de se trimbaler avec une attestation, sa pièce d’identité, une paire de gants en plastique, un gel anti bactérien en veillant à surtout ne rien toucher ! Génial…

Du haut de ses 31 ans, Jeanne savait qu’il était important de respecter les règles. Elle, qui d’ordinaire, aimait tant les contourner. Elle avait fait la fête une dernière fois, le vendredi 13 au soir. Prétendue insouciante, elle avait rejoint ses amies dans leur QG de Saint Germain, pour rire, se raconter leur semaine et boire du bon vin. Elle n’avait ni voulu goûter les élixirs des verres de ses copines ni continuer la soirée avec le beau garçon qui avait passé les deux dernières heures à la mater. Il avait tenter de lui parler lorsqu’elle s’était levée pour répondre au téléphone. Un échange de postillons avec un inconnu à la veille d’un isolement forcé ? Ah non merci. Tout commençait à lui sembler sale et dangereux.
2 semaines plus tard, enfermée chez elle, elle se disait qu’elle ne saurait plus comment serrer la main ou embrasser d’ici à ce que cette épidémie nous fiche la paix. En aurait-elle même juste envie ? Elle espérait ne pas tomber malade. Dans son métier, elle avait cotoyé plein de personnes, des étrangers, chaque jour. De nombreux clients chinois. Elle se disait qu’il était probable qu’elle tombe très malade. Mais rien pour l’instant. Quel soulagement.
Le timing n’était pas le meilleur. Sa vie avait récemment pris un nouveau tournant et elle voulait que cette route soit longue. Auparavant inscrite au RSA, puis au chômage  puis au RSA… elle avait trouvé un travail qu’elle aimait tellement que cela faisait déjà quasi 6 mois.

Conseillère de vente dans la maison de ses rêves : Chanel.

Et oui, elle n’en était pas peu fière. Jeanne présentait bien et elle le savait. Elle avait le contact facile avec les gens. Passer sa journée à conseiller les clients sur le choix des pièces de sa maison préférée n’avait pas le goût lourd et ennuyeux d’un travail à proprement parlé. Et parce que sa mère était anglaise d’origine japonaise, elle parlait 3 langues couramment depuis petite. 2 entretiens et le poste était à elle. Elle savait être convaincante et ne manquait pas de confiance en elle pour relever ce genre de challenges. Elle avait saisi une très belle opportunité : travailler au sein de sa marque de rêve !

Tout ce que Chanel avait offert au monde lui semblait tellement juste.

Le toc, appelé bijou fantaisie dans les années 80. Aujourd’hui, on le nomme très fièrement accessoire de mode. Gabrielle Chanel fut la première à simplifier le vestaire de la femme par “l’accessoirisation” de la tenue qui pouvait alors être portée de soir comme de jour, plus simplement ou plus élégamment. Moins de sectorisation, moins de prise de tête, plus de confort et de légèreté. C’était tout elle, ce qu’on appelait “Le chic“.
“La mode se démode. Le style, jamais.” Froid, clair, juste. 
Elle aimait la griffe pour ses produits. Elle admirait également énormément la créatrice. Oui elle avait fricoté avec les nazis… ce n’était pas excusable c’est sur. Son père, d’origine juive ashkénaze, lui avait bien montré tous les reportages à ce sujet. Il ne comprenait l’engouement autour de cette dame sans conscience et pleine d’arrogance.

Chanel n’était pas parfaite.

Elle n’était pas connue pour sa gentille ni pour sa dévotion aux autres. Mais elle s’était battue. C’était une lionne, une femme tellement ambitieuse. Rien ni personne n’aurait pu l’arrêter. Et pour ça, Jeanne l’adorait ! Elle n’était la femme d’aucun homme. Elle les voyait comme des étapes à l’avancement de sa carriére – socialement et financièrement. Elle ne voulait pas du statut de femme épouse. Elle se suffisait à elle-même. Elle s’aimait d’abord elle même.

Jeanne espérait connaître la même réussite.

Elle n’avait pas hésité à profiter de la générosité de quelques uns de ses amants ou encore de ses amis et de sa famille lorsqu’il avait fallu. Et alors ? L’argent était là. Pourquoi s’en priver ? Puis cette année, lors d’un passage à vide, elle avait trouvé ce job, qui était plus que cela pour l’instant. Covid 19 oblige, elle était revenue à la case départ… Chômage à 100%. Un CDD qui aurait du être renouvelé fin mars… elle croisait les doigts pour que tout s’arrange très vite.
Grâce à sa persévérance, elle avait pu prendre son premier appart à elle toute seule. Pas de parents. Pas de mec à qui rendre des comptes. C’était un petit studio de 20 metres carrés au dernière étage d’un immeuble Hausmmanien. Probablement 2 chambres de bonne réaménagées en 1 studio avait-elle conclu à la visite des lieux. Elle ne regrettait ni les 6 étages à monter à pieds ni la petite taille de son appart drôlement bien agencé. Elle avait une vue à couper le souffle. Au coeur de Montmartre à deux pas de la place du Tertre, ses yeux s’époustouflait de la beauté subtile et romantique des toits de Paris. La hauteur sous plafond était plus que plus que correcte. Elle n’étouffait pas en confinement. Elle rangeait son canapé-lit dès qu’elle se levait et s’organisait alors un petit coin sport/salon de lecture de magazines féminins. Elles abreuvait son esprit de news, de conseils en beauté et en amour. Elle ne trouvait aucun charme aux histoires dans les livres et ne culpabilisait pas de ne pas être plus intellectuelle.

Qu’avait-elle fait de ses 2 semaines de confirnement ?

La première semaine ne fut pas très productive. Elle avait dormi de longues heures – elle aimait tellement se lever vers 14h00 pour se rendormir vers 17h00 et jusqu’à 18h30. Petite sieste. Elle pouvait passer sa vie à dormir. Les soirs, elle matait des series sur Netflix et passait des heures au tel avec ses copines à rire ou à préférer une présence amicale à la télévision. Elle conversait aussi assez souvent aussi son “amimour”. Daniel. Son bestfriend depuis 3 ans au moins avec lequel cela pouvait déraper de temps à autre lorsque la situation les arrangeait tous les deux. Daniel vivait dans le 7ème donc aucun risque de craquer et rompre la période de confinement même pour 1 heure de plaisir. Jeanne aimait bien, en revanche, échanger avec lui le soir juste pour vérifier qu’elle l’avait toujours à ses côtés et qu’il ne restait pas insensible à ses charmes.

La seconde semaine de confinement s’intensifia.

Pas question d’être toute molle. D’ordinaire, elle marchait tout le temps et passait ses journées debout. En mode “Summer body”, elle s’appliqua à s’organiser des séances de sport de 30 minutes tous les 2 jours.
Le confinement avait tout de même du charme. Elle s’était rendue compte qu’elle préférait la Badoit au Perrier – les bulles étaient plus douces dans sa bouche. Elle avait découvert que les endives se mariaient très bien avec les concombres en salade. Plus important, peut-être, elle avait validé son choix de vivre seule, elle ne supportait qu’elle.
Devoir descendre et monter les escaliers pour chaque cigarette avait réduit sa consommation de tabac à 2 cigarettes par jour. Sans patch et sans ces cigarettes électroniques qu’elle savait bien nocives aussi ! Plus d’odeur nauséabonde dans sa bouche ou sur ses doigts le matin. Et puis… elle avait fait la liste de tous tes ex et elle en avait fait un classement pour regrouper les qualités dont elle avait vraiment besoin chez son prochain mec. Elle avait beaucoup avancé sur elle-même cette semaine !

De l’introspection en confinement.

Elle n’avait pas connu beaucoup d’hommes mais avait vécu avec presque chacun d’entre eux. 7 relations sérieuses en 12 ans. Sérieuses mais plutôt courtes critiquaient ces copines comme pour essayer de lui faire comprendre quelque chose. Oui elle le savait.

Elle prenait la fuite.

Chaque fois se répétait la meme histoire. Elle finissait par disparaitre un matin sans plus jamais plus donner de nouvelles. Voilà pourquoi elles étaient si courtes ! Ce n’était pas se faute. Elle étouffait à prétendre être quelqu’un dans la vie de quelqu’un d’autre. Et c’est là ou ça clochait. Elle avait enfin compris qu’il fallait qu’elle prenne le temps de se connaitre. Elle ne manquait pas de conviction et d’ambition. Elle voulait qu’on prenne soin d’elle. Elle voulait avoir une vie confortable avec un homme qui pourrait tout lui offrir. Mais pour pouvoir s’installer et rester plus longtemps dans ce nid douillet avec cet homme et son joli compte en banque… elle se devait de connaitre et accepter ses limites. Elle ne savait plus bien quand elle mentait et quand elle était elle. Tout cela était devenue bien flou avec les années.
Aprés Ben, sa dernière relation,
elle avait compris que cette étape essentielle lui manquait pour avancer enfin dans la vie qu’elle voulait. Elle profitait du temps avec elle, en se disant qu’avec le confinement, cela irait meme encore plus vite que prévu.