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Brighton

Madère, le 4 juin

C’est comme la fin d’un été. On voit tout s’éteindre devant nos yeux.

Les plages se vident. Les stands de bijoux, de joujoux et de bonbons lèvent le camp. Les campeurs décampent aussi. En quelques jours, tout change. Les couleurs. Le bruit. L’excitation. A la place des cris, règne le long silence. Un Luxe tant désiré et rare il y eut quelques jours à peine. Bientôt, les rues se couchent dès la tombée de la nuit. Le temps se ralentit. Flottent les souvenirs à l’odeur douce et amère dans le cœur de ceux qui restent. A 16 ans, je détestais déjà voir mes vacances se terminer.

Je fais souvent défiler les mémoires de mes étés, adolescente à Brighton. Ce sont les épisodes les plus heureux de ma vie. J’ai toujours été la vacancière qui collectionnait les visites et weekends. Je n’avais jamais vraiment saisi la douleur de l’abandon des gens qui restent et que l’on quitte. Plutôt brutal je dois dire. ”

Je pose mon cahier, le crayon calé entre les pages sur lesquelles je viens de noter mes émotions. Ecrire me fait toujours le plus grand bien surtout lorsque mon coeur me serre et que j’ai l’impression de m’étouffer doucement.

Voilà, il est 17h00. Je regarde nos clients célébrer le début du week-end et pourtant ma joie de vivre semble avoir disparu. Je porte un cœur de plomb et des yeux bordés de larmes.

Je m’appelle Nina.

J’ai 29 ans et je me suis installée il y a 4 mois au Portugal.

Mes parents sont repartis en Angleterre cet après-midi. Ils ont séjourné 3 semaines chez moi à Madère. C’était mémorable mais c’est passé trop vite. Ils m’ont dit être venus parce que je leur manquais. Je pense qu’ils voulaient surtout se rassurer et comprendre ce que je faisais ici. Nous avons visité les lieux qui me tiennent à cœur encore gardés secret. Leurs préférés furent incontestablement L’île des Poissonnes et l’Etoile d’Orion. Ils semblent s’être bien amusés. Ils sont partis depuis quelques minutes et déjà je me laisse gagner par un vide immense. J’ai comme perdu de vue le plaisir et les raisons qui m’ont faite venir jusqu’ici. La peine nourrit nos craintes et, à ce moment précis, je pense avoir perdu la bataille du toucher-couler avec mes peurs.

Ma vie a complètement changé.

Un soir d’insomnie à la mi-février,  je perdais mon temps sur Instagram à attendre que le sommeil me gagne. Impossible pari. Je n’allai pas regretter cependant d’avoir perdu mon temps de sommeil ce jour là. Dans les stories, je tombai sur celle de Bea dans sa vie d’entrepreneur au Portugal. Rayonnante et les yeux plein d’étoiles, elle annonçait l’ouverture de son second restaurant. L’endroit était encore tenu secret. Elle expliquait rechercher une personne de confiance pour gérer ce nouveau restaurant en bord de plage. Dans ma tête, une voix hurla “QUI MIEUX QUE MOI !!!” si fort qu’elle fit echo encore plusieurs secondes avant que je puisse retrouver le fil de mes pensées. Sans réfléchir, je félicitai mon amie d’enfance. Je lui demandai si elle pouvait considérer ma candidature. Certes j’étais experte comptable aujourd’hui mais j’avais cumulé 5 ans d’experience dans la restauration pendant mes études. J’adorais depuis toujours les lieux de vie.

Quoi de mieux qu’un restaurant pour se sentir vivant. J’aimais voir les gens se rencontrer, rire, s’aimer et oui parfois aussi se disputer. J’expliquai enfin à Béa que je pouvais me charger de la gestion financière en plus de celle du restaurant. Deux semaines plus tard, j’avais quitté mon job, mon appart, mon mec du moment et je décollai pour Madère.

Ici, tout semble si simple.

J’apprend le portugais. J’ai des amis et je rencontre de nouvelles personnes chaque jour. Je me sens bien dans mon corps et dans ma tête comme si je découvrais enfin le sens d’être bien avec soi. Les jours flottent et passent intensément.

Avec l’arrivée de mes parents, les choses semblent avoir changé. J’ai mis ma nouvelle vie entre parenthèses. Il ne m’ont rien demandé. Je voulais simplement profiter avec eux parce que le temps nous était compté. Et que je tenais le chrono bien serré dans ma main.

Le téléphone sonne

et me ramène à la vie présente. C’est Béa. Elle est à Lisbonne cette semaine. A ma voix elle reconnait les symptômes mélancoliques. Elle me conseille de laisser les choses décanter et de lever le pied quelques jours. “ C’est l’illusion de la solitude qui guette les gens heureux. C’est un moment que tu dois passer avec toi-même. Aies confiance. ” m’explique t’elle avant de me faire promettre de l’appeler si j’ai besoin de parler.

Je suis son conseil sans broncher. Je rentre à la maison. Immobilisée par la peur, j’invite la détresse et la tristesse lorsqu’elles frappent toutes deux à ma porte. Vendredi soir, je pleure. Samedi, j’annule mon dîner avec les copains, je suis fatiguée. Dimanche, il pleut. Lundi c’est mon jour de repos… et mardi je regarde les billets d’avion pour rentrer.

Sur Kayak, chaque vol m’angoisse plus que le précédent. Que vais-je faire à Londres ? Je n’y vois pas de futur. C’était déjà le cas bien avant de venir alors là… Je pourrai venir en vacances mais je préfère attendre décembre comme prévu.

Les mots bienveillants de Bea prennent tout leur sens.

Devant mes yeux, la couleur de l’instant revient à la vie. L’eau a meilleur goût. Le canapé est plus confortable. L’appartement de 100 mètres carrés que j’occupe seule fait à nouveau 100 mètres carrés ! Je suis à Madère. Je fais ce que j’aime. Je vis.

Je ferme mon Mac, prends les clefs, mon Jacquemus, mon Iphone et je m’envole. Il est 21h30 et la plage m’appelle. Quelques minutes plus tard, je plonge mes orteils dans l’eau. Je noie mes peurs et laisse rafraîchir mes idées. Le bruit des vagues apaisent mon coeur. Je l’écoute, souriant, se délester d’un poids. Qu’il est bien ici !

J’arrive déjà chez Béa & Nina.

La fête bat son plein dans le resto que je suis fière de gérer et d’avoir co-fonder. Les moments précieux vont bon train. Certains rient à tue-tête, d’autres dansent enivrés par la musique. Les cocktails s’agitent, les desserts se dégustent. Des lèvres se touchent. Je ne manque rien.

Je repense à mes vacances d’adolescente si chères à mon cœur. Pourtant, j’en haïssais la fin. Même si je déteste savoir mes proches loin, je vois ma nouvelle vie comme un été sans fin.

Une voix suave et musicale m’enlève à mes pensées.

« Bonjour, j’ai hésité avant de vous déranger mais… j’ai l’impression de vous avoir déjà rencontré. Je m’appelle Brighton. Puis-je vous offrir un verre ? »

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